«Je me considère comme une photographe documentaire subjective», précise d'emblée Iren Stehli, née à Zurich en 1953. Exposée à Guingamp, sa série Prague Shop Windows illustre son propos en 38 petits formats qui donnent un aperçu parfait de son style rigoureux. Sur ce thème si convoité par les photographes depuis l'aube du XXe siècle, ainsi les devantures prises par Eugène Atget dès 1925, Stehli a construit son propre espace entre imaginaire et vérité. «J'ai commencé à photographier ces vitrines en 1976, poursuit-elle, parce qu'elles m'attiraient profondément, et étrangement. Très vite, j'ai réalisé qu'elles reflétaient la réalité que les Tchèques et les Slovaques devaient affronter au quotidien. Ce contraste absurde entre le manque de biens et les slogans politiques qui parlaient d'une existence heureuse avec le communisme.»
Pendant deux décennies, en partie durant ses études à la Famu, fameuse école de cinéma, elle développe ce thème répétitif. Enregistrant, en creux, l'histoire d'un pays socialiste recroquevillé sur lui-même, au bord de la désolation, jusqu'à la «révolution de velours» et la naissance de la République tchèque. Dans un noir et blanc classique, sans ironie, Stehli photographie au hasard de ces promenades, ne privilégiant aucun quartier plutôt qu'un autre, les vitrines devenant le paysage mélancolique de la cité de Kafka. Butin : des milliers d'images, avec le souci de conserver «celles qui deviendraient intem