Brigitte, la chauffeuse de taxi, avait prévenu. «Vous n'êtes jamais venu? Vous allez voir, c'est très spécial comme univers, ça détonne au milieu des proprets pavillons aux pierres dorées, on est totalement ailleurs, une sorte de musée des horreurs du monde.» Quinze minutes après avoir quitté la gare de Lyon Part Dieu et ses ensembles bétonnés, la Demeure du chaos apparaît au détour d'une rue de la très bourgeoise bourgade de Saint-Romain-au-Mont-d'Or, le long des rives de la Saône au nord de la capitale des Gaules. Partout sur les murs, des dizaines de peintures, des graffitis appelant le plus souvent à la révolte et à l'insoumission, un gros squat à première vue. Même Libération a droit à son inscription murale. «Israël, Etat pirate», est-il écrit, copiant la une du 1er juin 2010 sur l'assaut meurtrier de Tsahal contre des navires de militants humanitaires venus rompre le blocus de Gaza.
Ogre de la société
C'est la première vision de cet ancien relais de poste de 9 000 mètres carrés qui abrite à la fois la maison du plasticien Thierry Ehrmann, le siège de sa société cotée en Bourse Artprice et un musée work in progress de 4 500 œuvres d'art : des murs comme scarifiés, tatoués de centaines de beaux - et parfois sanguinolents - portraits «délégendés», de messages et de symboles ésotériques qui racontent l'incroyable foisonnement du monde passé et actuel. Un chantier artistique totalement hors normes qui, par sa démesure et son ambition totalisante,