Rome. 15 juin 1995 (ou peut-être le 17). Une bande de jeunes embarque dans le même tram de nuit (à moins que ce ne soit un bus) à différents arrêts, avec confettis, boissons et ghettoblasters branchés sur Radio Blissett. Alors la fête vire à la free party, ils se font arrêter par les flics qui leur demandent de décliner leur identité. Tous ne donnent qu'un seul et même nom : Luther Blissett. En toute logique, ils n'ont aussi oblitéré qu'un seul ticket. La situation vire à l'émeute lorsqu'un flic tire soudain en l'air. Quatre Luther Blissett sont arrêtés pour tapage et participation à un rassemblement séditieux. C'est à ce moment-là que Blissett entre dans l'œil des médias de masse, qu'il allait abreuver pendant plusieurs années de fausses nouvelles et de faux cadavres.
Si Luther Blissett rendait chèvre les policiers, qui n'arrivaient pas à savoir qui ou quoi se cachait derrière l'entité, la couverture médiatique n'était pas moins contradictoire, tant les instigateurs du projet se sont évertués à recouvrir leurs traces et alimenter des légendes urbaines discordantes. Le seul Luther Blissett connu à ce jour était un (vrai) joueur de foot britannique d'origine jamaïcaine auteur d'une saison calamiteuse au Milan AC au milieu des années 80. On ignore pourquoi, à partir de l'été 1994, des centaines d'individus (en Italie surtout mais aussi en Allemagne, en Espagne et en Slovénie, et sporadiquement au Canada, aux Etats-Unis et au Brésil) ont commencé à utiliser son nom pour