Avant, le visage était un destin. On naissait avec, on mourait avec. Depuis un bon siècle, on peut, sans trop de danger, «l’améliorer» : le charcuter, le piquer, le tendre, le gonfler, même le greffer. Petits rafistolages, grands ravalements, reconstructions, un vrai chantier. D’autant que les avancées incessantes, en chirurgie comme en médecine esthétique (cette spécialité qui englobe les piqûres de comblement et autres traitements laser) en font un terrain mouvant, parfois incertain.
La demande, elle, qui vient de la pression sociale ou d'une souffrance intime, ne cesse de croître. La chirurgie esthétique est une chirurgie de qualité de vie, disent ses praticiens. Une chirurgie de l'identité, ajoutent les esprits aiguisés. C'est aussi, et surtout, une chirurgie non obligatoire. Pourquoi choisir de s'y soumettre ? Où commence la nécessité ? Avec la chirurgie réparatrice, tout semble plus simple. Un sein à reconstruire après une mastectomie, un lambeau de peau à greffer après une brûlure, il s'agit d'abord de redevenir «comme avant», ou plutôt de s'en approcher. La norme existe, on la fournit soi-même. Ce à quoi le professeur Maurice Mimoun, qui dirige le Centre de brûlés et de chirurgie esthétique de l'hôpital Saint-Louis (Paris Xe), objectera que certains brûlés ne souhaitent pas être reconstruits, alors au nom de quoi le leur imposer ? D'ailleurs, à ses consultations, on pleure plus souvent en esthétique qu'en réparatrice : «Ce qui importe, c'est la douleur