Il y a des mots si spécialisés qu'on se demande s'ils ont jamais servi. «Et leur mort bien souvent de trop s'essouffler vient/ Alors on les dispose en de grands cimetières/ Que les esprits fripons nomment des dictionnaires», écrivait Raymond Queneau dans la Chair des mots. Sous une des nombreuses croix, «bretauder», par exemple, dont l'origine remonte au début du XIIIe siècle.
Bretauder signifie raser la tête, tondre inégalement. «Il a bretaudé ce chien» pour dire en clair que la pauvre bête a été mal tondue. Trois siècles plus tard, la tondeuse a carrément dévié puisque, quand désormais il bretaude, il coupe la queue, le crin et les oreilles d'un cheval, voire le châtre. C'est le préfixe «bre» ou «ber», péjoratif, qui a produit le premier sens de couper sans harmonie. Quand bretauder ou bertauder s'attaque à l'homme, le résultat n'est évidemment pas joli-joli. Bretauder les cheveux de quelqu'un, c'est les lui couper trop court. Madame de Sévigné se moquait ainsi dans une lettre à sa fille datée du 18 mars 1671 : «Madame la duchesse de Nevers y vint coiffée à faire rire. La Martin l'avait bretaudée par plaisir comme un patron de mode : elle avait donc tous les cheveux coupés sur la tête et frisés naturellement par cent papillotes qui lui font souffrir mort et passion toute la nuit.» L'apothéose d'un mot aussi précis et prosaïquement bancal vise à atteindre le sens figuré. Il y réussit déjà chez François Villon, dans sa Ballade de bon