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Critique

Alfredo Jaar, surex à Berlin

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Arts . La capitale allemande fête l’artiste chilien, de ses débuts sous Pinochet à sa critique au néon de l’actualité.
publié le 12 août 2012 à 20h57

Ala Berlinische Galerie, il y a les Yeux de Gutete Emerita (1996). Une seule diapositive, reproduite des milliers de fois, en un énorme tas qui forme deux monticules. Dans le noir, sur une table lumineuse. Personne ne surveille, on pourrait en emporter quelques-unes, ça ne se remarquerait pas. Des visiteurs en ont aligné cinq ou six sur le rebord de la table. Ces yeux sont ceux d'une rescapée des massacres du Rwanda, qui a raconté le meurtre de toute sa famille à l'artiste chilien Alfredo Jaar. Le récit est affiché dans la salle précédente, en une longue phrase au néon qui crève les yeux du visiteur.

Aucune trace ne rend compte de cela, on ne peut rien en faire : ni lire les yeux de Gutete Emerita ni les emporter, rien. La tache aveugle est au centre du travail de Jaar, né en 1956, Parisien d'adoption, auquel Berlin consacre une monographie en trois expositions. On va le dire bêtement : on connaissait surtout le plasticien par sa galerie parisienne, Kamel Mennour ; on avait aperçu à la Triennale de Paris (jusqu'au 26 août) sa célèbre repro de la couve de Libé sur Pinochet avec un point d'interrogation en néon à côté. Ça restait un brin conceptuel. Le parcours proposé dans la capitale allemande est au contraire über didactique, en particulier parce qu'il présente au Neue Gesellschaft für Bildende Kunst (NGBK) de Kreuzberg les œuvres réalisées au Chili entre 1974 et 1981, année où Jaar quitte le pays.

Trop-plein. Ainsi d'un calendrier,