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Interview

Margiela à la marge

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[Imperceptibles 4/6] . A l’heure de la gloire éphémère, quelques créateurs protéiformes revendiquent leur anonymat. Aujourd’hui, le discret couturier à la retraite.
publié le 15 août 2012 à 19h06

Martin Margiela ? «Connais pas.» Cette réponse d'un ado enchanterait peut-être le couturier qui a pris sa retraite il y a deux ans, tout en ne perdant rien de son célèbre anonymat. On l'a vu, disent-ils, stagiaire cuisinier chez tel chef. A moins que ce ne soit dans la restauration d'œuvres d'art. On l'imaginerait plutôt confectionneur de glaçons semblables à ces boucles d'oreilles fondantes et colorées que portaient des mannequins pendant ses défilés, et qui gouttelaient sur les robes en les agrémentant d'un dessin aléatoire et indélébile selon leur mouvement, leur port de tête, leur sourire.

De même -était-ce la même année ? - leurs socks japonaises trempées dans une peinture rouge fraîche laissaient leurs empreintes sur la bâche où elles marchaient, devenant matière à robe la saison d’après. Les vêtements Margiela sont des scénarios qu’il suffit de déplier, origamis qui dissimulent un récit réinventable par chaque adepte, de même que l’étiquette blanche dépourvue de nom cousue aux quatre coins permet de reconnaître un marcel Margiela d’un autre de chez Guerrisol. Ou d’inscrire n’importe quel nom dessus.

Les vêtements ressemblent-ils à ceux qui les inventent ? C'est le pari. On sait dès lors que l'homme invisible est paradoxalement celui qui a le plus travaillé sur les traces, et que son imperceptibilité consiste à émettre des signaux mouvants, work in progress a mnésique : le souvenir d'une robe années 20 imprimé en trompe-l'œil sur une combinaison ; un gi