Entrer côté cour, entrer côté jardin ? Barbara avait trouvé une issue. Elle arrivait brusquement du milieu du fond de la scène, entrouvrant brutalement un rideau pour foncer vers le public, paumes en avant. Si on lui disait que la pose avait quelque chose de mystique, celle d’une stigmatisée, elle répondait que non, que les paumes en avant, c’était le moyen qu’elle avait trouvé pour offrir le mieux ses mains au public. On aura beaucoup parlé de messe à propos des spectacles de Barbara, c’est vrai que le public s’y comportait comme à une liturgie. Se levant, s’asseyant à tout bout de champ : avec Barbara, les rappels commençaient dès la troisième chanson.
Avant d'être une messe, Barbara en spectacle, c'était d'abord le théâtre complet du grand music-hall. La chanson, la voix s'y habillaient de toutes les couleurs de l'artifice ; sa précision méticuleuse l'apparentait à une Marlene. Elle exigeait les meilleurs : pour elle, Jacques Rouveyrollis (avouant «avec une bougie, elle serait aussi formidable») inventait à chaque fois des jeux différents de lumières. Elle a eu, pour l'accompagner, les meilleurs arrangeurs, les meilleurs musiciens.
Elle se mettait presque en colère quand on lui demandait si, comme Montand, elle étudiait ses gestes devant une glace. Un geste naissait, spontané, en scène, elle le gardait. A la fin de sa chanson sur le sida, elle se mettait à tourner autour de son piano, comme une sorte d’animal blessé ; plus tard, elle se renversait en deux sur l’ins