Samedi
L’ubiquité du cheikh
J'arrive à Paris en provenance d'Amsterdam. J'apprends qu'au Maroc le fameux Abdessalam Yassine, le chef spirituel de la secte Al Adl wal Ihsan, est mort. De mortuis nihil nisi bonum, disait notre prof de latin au lycée Lyautey de Casablanca. On ne dira donc rien du bonhomme Yassine. Mais sa secte ? Ces ingénieurs, ces avocats, ces étudiants qui croyaient que leur chef vénéré pouvait traverser les parois comme le passe-muraille ? Qu'il avait le don d'ubiquité ? Comment ne pas voir dans ces niaiseries l'illustration de la médiocrité intellectuelle qui s'est installée dans le pays à la suite de l'interdiction d'enseigner la philosophie ? Cette mesure funeste, prise dans les années 80, porte ses fruits amers. Comment construire un pays démocratique et moderne avec des gens pour qui les songes et les rêveries de leur cheikh font office de réflexion stratégique ?
Dimanche
Entre Egypte et Syrie
Rendez-vous dans le XXe avec des collègues polonais pour parler littérature française dans un café dont le nom semble rendre hommage à Eddy Merckx : le Cannibale fait de la résistance dans cette rue Jean-Pierre Timbaud où pullulent les librairies salafistes. La coopération entre les universités d'Amsterdam et de Varsovie se scelle ici, chez l'anthropophage. Puis on digresse. Un collègue me montre la une d'un journal : la guerre continue de plus belle en Syrie. La Pologne veut savoir ce qu'en pense l'Arabe de rencontre ; mais justement, je n'en pense rien. Oui, le régime est illégitime et tyra