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Critique

L’art de plaire à Mussolini

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Des athlètes aux péplums de propagande de Cinecitta… La rétrospective «Années 30» au palais Strozzi à Florence aborde une période toute en tensions esthétiques et idéologiques.
publié le 21 décembre 2012 à 20h37

«La réalité était autre. De 1915, année de son entrée en guerre et jusqu'à la Seconde, l'Italie avait été le lieu d'un art à tout point de vue extraordinaire, de haute qualité, de grande culture, de superbe facture», écrit Jean Clair. En un menu texte rédigé au retour de Milan, où il était parti voir le nouveau musée du Novecento, l'auteur s'arrête un instant sur cette «peinture autre», encore absorbée par le trouble de l'iconographie, dominée par les formes «de l'inquiétude, du songe, du regret, du désespoir, souvent aussi de la déréliction et de la maladie» (1). Aujourd'hui, le palais Strozzi à Florence aborde cette période, toujours embarrassée par la honte du fascisme qui l'a vu naître, à travers l'exposition Anni'30.

Ayant pris le pouvoir en 1922, Benito Mussolini a dirigé ce pays durant plus de vingt ans, avant de finir pendu par les pieds sur la place de Milan. Très tôt, il avait réussi à enrôler des voix aussi importantes que l'écrivain Gabriele d'Annunzio et le musicien Arturo Toscanini. «Mussolini a toléré, et même encouragé, un débat culturel étonnamment ouvert, que n'a jamais permis Hitler», faisait déjà observer Philip Cannistraro en liminaire d'une exposition à la Royal Academy de Londres, en 1985. Les académies fleurissaient, des revues essaimaient dans les grandes villes, des écoles esthétiques formaient une mosaïque à travers le pays, le groupe des Six à Turin, celui du Selvaggio à Florence, le «concrétisme» autour de la ga