L'auteur, figurez-vous, c'est Dieu. Ou Calderón, ce qui revient - presque - au même. Le grand dramaturge du Siècle d'or espagnol, l'auteur de La vie est un songe, ne se prend certes pas pour Dieu. Mais il fait en sorte que Dieu se prenne pour lui. Il utilise son génie du théâtre pour le transformer en auteur et metteur en scène d'un monde où l'entrée et la sortie ne dépendent que de Lui : «J'ai imaginé deux portes, dit le Monde dans le Grand Théâtre du monde. L'une est celle du berceau / l'autre celle du tombeau.» Berceau, tombeau : violente symétrie du Siècle d'or. Eclat morbide où le miroir du langage déploie des reflets veloutés et labyrinthiques que la lumière divine distribue, rétribue, transforme en poussière, en ombre et en air. La question est de savoir comment vit l'homme entre les deux, comment il le représente. Chez les baroques, l'un dépend infiniment de l'autre. Calderón a suffisamment écrit et vécu pour le montrer.
Panoplies. Jeune auteur à succès, accusé d'assassinat, guerroyant en Catalogne, il traverse toutes sortes d'expériences. Pendant sa longue vie (il meurt à 81 ans, en 1681), son pays passe de la gloire au déclin : le destin de l'Espagne renvoie à celui de chacun, sous l'œil de Dieu. Nous voilà au cœur des actes sacramentels (lire ci-contre). Calderón, qui deviendra prêtre à 50 ans, en compose une centaine jusqu'à sa mort. Christian Schiaretti avait déjà monté, à la Coméd