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Libération

Maître en tout lieu

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Dans les archives de «Libé», il y a vingt-huit ans. La Russie, l’Allemagne, Paris… A l’image du tableau «N’importe où hors du monde», l’artiste a mené une carrière à l’instinct, sans attache et loin des mouvements d’art qui ont marqué le siècle. Décryptage.
publié le 22 février 2013 à 20h06

De vieillesse, il est mort de vieillesse. Chagall a raté de très peu - trois ans ! - le centenaire. Qu’il soit mort de mort dite naturelle, si tant est que cette accolade de termes ait une signification, est au moins à l’image de sa peinture. Non que celle-ci soit proche de la nature mais elle s’y réfère explicitement. La nature, la joie, l’instinct, etc. ont toujours été, à l’exception des premières années, les référents majeurs de son art.

S'il fallait choisir une œuvre, et une seule, non pour glorifier son auteur mais, plus modestement, pour désigner sa spécificité, il conviendrait alors d'isoler N'importe où hors du monde, une petite huile sur carton appartenant à un collectionneur suisse. Evidemment, le plafond de l'Opéra de Paris est plus connu, non seulement parce qu'il constitue en 1964 la première commande officielle, mais surtout parce que cette commande émanait de Malraux dont on se rappelle qu'il considérait Chagall comme le plus grand coloriste du monde. Certes, cela est exact ; reste que le plafond en question est loin de valoir celui de la Sixtine. Peu importe.

Revenons à notre petit tableau. Il est exemplaire à plus d'un titre. A cause du sien d'abord : N'importe où hors du monde, ce pourrait être en effet l'épitaphe de l'artiste. Russe naturalisé français, très russe pour l'inspiration puisée en plein folklore familial et très français par une certaine façon qu'il avait de parler de sa peinture sans vouloir en parler («Les tableaux qui s'