J'aimais Stéphane Hessel. J'aimais l'élégance de ce grand homme, costume trois pièces impeccable, danseur diabolique, sourire d'enfant nonagénaire, cabotinant avec plaisir sur les nombreuses scènes où il était invité et acceptait toujours de parler. J'aimais la gauche qu'incarnait Stéphane Hessel, forgée par la guerre, trempée dans les principes du Conseil national de la Résistance et l'esprit fondateur de l'ONU. Une gauche morale, oui, oui, oui, et oui : morale, qui s'assumait puissamment comme telle, structurée par les principes et la soif d'action, les idées et la volonté de changer le monde. De la ligne esquissée par cette gauche singulière, radicale et conviviale, Stéphane Hessel ne dérogea jamais : aux côtés des sans-papiers, du Réseau Education sans frontières ou du mouvement des profs «désobéisseurs», dans ses dialogues sur l'écologie et même rue de Solférino, au Parti socialiste, où il s'était récemment prêté avec gourmandise au jeu des courants et des motions. Pour tout cela, beaucoup qui furent de gauche avant de passer avec hargne et bagages dans la boutique idéologique d'en face le caricaturèrent en apôtre de la «bien-pensance» et du «politiquement correct», ces mots idiots dégainés sous le nez de ceux qui restent fidèles à eux-mêmes. Le succès foudroyant de l'opuscule Indignez-vous ! aggrava les choses, Hessel se trouvant doublement accusé d'être le gourou cucul d'une génération de jeunes crétins et le critique antisioniste, voire pire, de l'Etat d'Isr
EDITORIAL
Je l’aimais
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Stéphane Hessel, l'homme d'un siècledossier
par Nicolas Demorand
publié le 27 février 2013 à 22h06
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