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Libération
grand angle

Au marché noir du manuscrit malien

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Avec la guerre dans la région de Tombouctou, de précieux livres anciens disparaissent et réapparaissent. Rencontre avec un collectionneur issu d’une grande tribu de lettrés du Sahara occidental.
par Léa-Lisa Westerhoff et Mehdi Meddeb
publié le 17 mars 2013 à 19h06

Le ciel menace et bientôt la petite oasis sera isolée du monde par des eaux en crue. Abdelwahab Sibaouaih Ould Abdelbaki, petit homme majestueux dans son deraâ blanc, le boubou des habitants du Sahara, revient de loin. Ses ancêtres parcouraient cet océan de sable à dos de chameau, lui en revient en 4 x 4 brinquebalant, chargé comme une mule. Un voyage épique, une traversée de 8 000 kilomètres dans le désert : de Boujdour, où il vit au Sahara occidental, jusqu’à l’extrême est de la Mauritanie, tout près de la frontière malienne, avant de reprendre la route jusqu’à l’oasis de Tighmert, dans le sud du Maroc, pour nous rencontrer. A bout de bras : deux valises bleues à roulettes, pleines à craquer, et lourdes de secrets.

«Une pièce à 9 000 euros»

On s'installe sous la khaima. Le thé est apporté. «Bismillah», murmure Abdallah. Il ouvre la première valise. D'un air grave, il prend délicatement entre ses mains un tout petit carnet recouvert de cuir usé, puis un autre plus grand, à la couverture rouge foncé, fermé par un lacet. Une boîte en métal, cabossée, des feuilles à peine reliées les unes aux autres par un lien de cuir et enfin un ouvrage protégé par un film plastique bleu. «Ce manuscrit-là, je l'ai payé 9 000 euros», annonce Abdelwahab. Les feuilles rongées sur les côtés sont dans le désordre. Certaines placées à l'envers. «Je suis heureux d'avoir pu l'acheter, car il parle des règles du commerce selon l'islam, c'est rare.» Silence. «C'est le plus précieux.»