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Libération
Interview

«Je n’ai aucun goût de vivre hors de la réalité»

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Séance tenante Eva Truffaut. Née le 29 juin 1961, elle est la fille de François Truffaut et de Madeleine Morgenstern. Elle a joué dans les films de Vincent Dieutre, Pierre Léon ou Eugène Green. Elle expose ses belles photographies noctambules à la galerie Chappe, 4, rue André-Barsacq, Paris XVIIIe (jusqu’au 29 juin). Photo E. Truffaut
publié le 18 juin 2013 à 19h06
La première image ?

Bergman, une séquence de Persona : sur un écran blanc, les visages, regard caméra d'Alma (Bibi Andersson) et d'Elizabeth Vogler (Liv Ullmann) se mêlent en fondu face à nous et à l'enfant (Jörgen Lindström), qui nous tourne le dos, main tendue, il effleure sur l'écran le visage de sa mère et de l'infirmière, qui finissent par ne faire qu'un. J'avais l'âge de cet enfant, peut-être moins, ma mémoire en est tatouée à vie.

Le film (ou la séquence) qui a traumatisé votre enfance ?

Dans la Prisonnière du désert, de John Ford, après l'enlèvement de la petite fille et le massacre de ses parents, reste sa poupée de chiffon parmi les décombres fumants de la maison familiale incendiée : j'en ai fait deux ans de cauchemars, m'endormir me terrifiait.

Le film que vos parents vous ont empêchée de voir ?

Aucun, mes parents n’ont jamais fait injure à l’intelligence des enfants.

Vous dirigez un remake, lequel ?

Barbe-Bleue, je tenterais de l'aborder sous l'angle de la violence insidieuse faite aux jeunes filles, le monstre ne serait pas la barbe bleue, mais la mère qui «maqueraute» sa plus jeune fille. C'est un sujet dont je trouve souvent le traitement grossier quand il n'est pas carrément hétéro-beauf ; seules Chantal Akerman ou Pina Bausch ont su traiter de cette question avec subtilité.

Le film que vous avez le plus vu ?

A n'en pas douter la Règle du jeu, de Renoir, à égalité avec Fanny et Alexandre, de Bergman, le Goût du saké, d'Ozu, et Ninotchka, de Lubitsch.

La bande originale qui vous trotte dans la tête ?

Celle du sublime Honeymoon Killers de Leonard Kastle, où résonne mieux que partout ailleurs la récurrence des symphonies de Mahler.

Qui ou qu’est-ce qui vous fait rire ?

Lubitsc