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«Il pratiquait l’art de l’écriture à haute voix»

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Les frères Bogdanoff ont participé au «petit séminaire» de Roland Barthes jusqu’à sa mort. Ils racontent.
publié le 16 juillet 2013 à 19h26

Les frères Bogdanoff ont 25 ans en 1977 lorsqu’ils entrent au «petit séminaire» de Roland Barthes. Ils y resteront jusqu’à sa mort, en 1980. Souvenirs des jumeaux.

«Un bel après-midi, à Sciences-Po, où Grichka étudiait, il y a eu une conférence sur la modernité organisée sous le ministère de Roland Barthes. Il était une icône, nous avions lu tous ses livres. Ce jour-là, son discours nous a subjugués. Nous n'avons jamais oublié une phrase : "La modernité, c'est le réel en tant qu'il se délite." A la fin, on est allés le voir et on lui a demandé une préface pour notre premier livre, Clés pour la science-fiction, pas encore publié. On avait le courage de cet âge-là, un peu au-dessus de la conscience de soi-même et des autres. Il nous a demandé de lui envoyer le manuscrit. Vers la fin de l'été, on reçoit une lettre qui commençait ainsi : "Dans un environnement subjectivement bouché, vous m'êtes apparus tous deux comme des extraterrestres bienveillants, et vous m'avez donné une sorte d'espoir. De quoi ? Je ne sais pas. Mieux vaut ne pas préciser."

«Comme nous étions dans le Gers, il nous a invités chez sa mère, à Urt, près de Bayonne. On arrive vers midi. Il travaille à son bureau. Grichka tape à la vitre. Il lève la tête, nous voit, sort nous accueillir : "Venez, on va aller au fond du jardin déguster des figues." Il est en bleu de travail, avec un béret. La lumière basque est attachée à ses vêtements. Plus tard, il nous dit : "Oh ! C'était