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Libération
TRIBUNE

La race, ça nous regarde

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publié le 25 juillet 2013 à 19h26

Au moment où la France supprime le mot «race» de son droit, fût-ce pour interdire «toute distinction de race», le succès rencontré en Avignon par Exhibit B, l'installation bouleversante de Brett Bailey, donne à penser. Cet artiste sud-africain né sous l'apartheid nous fait voir, avec des tableaux vivants qui évoquent les «zoos humains» de l'ère coloniale, les «pièces à conviction» (c'est le sens du titre) d'un procès en racisme. La visite s'ouvre sur la célèbre «Vénus hottentote», Saartje (Sarah) Baartman, exhibée aux regards des spectateurs. Dans les années 1810, son anatomie fascina l'Europe des foires, mais aussi de la science : l'autopsie de son corps par Cuvier venait justifier les discours sur l'inégalité des races.

Le parcours poursuit une relecture cruelle de cette histoire occidentale. «Le siècle des Lumières», c'est Angelo Soliman, esclave africain adopté par la bonne société viennoise jusqu'à devenir Grand maître d'une loge maçonnique. A sa mort, il fut empaillé : l'ami de l'empereur finissait ainsi dans les collections impériales. Dans «l'âge d'or néerlandais», la terrible punition de l'esclave rappelle le «nègre de Surinam», dans Candide : «C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.» Non loin, «civiliser les indigènes» évoque la barbarie coloniale au tournant du XXe siècle : dans le Congo belge, on coupait une main aux travailleurs trop peu zélés - 6 000 en six mois ; et dans les c