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«J’écris pour laisser parler les dieux»

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D'où écrivez vous? (4/16)
par Tobie Nathan, Professeur émérite de psychologie clinique et de psychopathologie à l’université Paris-VIII, diplomate et écrivain
publié le 31 juillet 2013 à 19h06

Un été aux sources de l’écriture

C’est une forme d’indiscrétion doublée d’un grand respect. Demander à ceux qui commettent fictions ou essais, écrivains, philosophes ou chercheurs, «d’où ils écrivent». Le lieu géographique bien sûr, les petits rituels d’auteur mais aussi l’histoire personnelle qui infuse jusqu’au bout de la plume. Une manière d’approcher l’alchimie de l’écriture qui, toujours, intrigue et subjugue.

Qui écrit ?… et qui lit ?

On prétendait autrefois qu'il existait des «peuples sans écriture» et l'on ajoutait souvent qu'ils étaient sans histoire, car l'écriture, élargissant la mémoire, était censée agrandir l'horizon… C'est ce que l'on pensait, du moins jusqu'aux belles pages de Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques qui, remettant les choses à leur place, affirmait en quelques phrases que l'écriture semble avoir surtout été un instrument de structuration de grandes populations, de leur hiérarchisation en castes et en classes… Sans doute n'a-t-il jamais existé de peuples sans écriture. On s'était mal posé la question. On aurait dû se demander «qui lit ?» et «qui écrit ?». C'est alors qu'on pouvait comprendre en quoi les peuples se différenciaient. Il existait - il existe peut-être encore ?- des peuples où seuls les dieux écrivent, les hommes se contentant de lire leurs messages… On a toujours écrit ; on a toujours lu…

Mais l’écriture des dieux n’est pas si facile à lire. Les divinités voduns du Bénin et du Togo écrivent dans les événements du