Les villes ont leur temps et leurs modes. Un peu avant Berlin et après Barcelone, Lisbonne est l’une des destinations françaises branchées autour de 2000.
Au point qu'en 2002, la nouvelle bande dessinée la célèbre en carnets de voyage. Il y a Dupuy et Berberian, aux éditions Cornélius, qui croquent l'activité flegmatique de la capitale : silhouettes au téléphone, en voiture, sur des bancs, comme détachés des décors baroques de la cité. A chaque page, Lisbonne apparaît comme un spectacle dont les deux dessinateurs chercheraient à comprendre la mise en scène. Peu après, Nicolas de Crécy livre chez Casterman son Lisbonne, voyage imaginaire, une quarantaine d'aquarelles obsédées par les enchevêtrements de rails, lignes électrifiées de tram, tremblement au loin d'une coupole blanche. Côté texte, Raphael Meltz (future revue R, de réel) raconte la ville sans l'avoir visitée, d'où l'«imaginaire» du titre.
Pourquoi Lisbonne à ce moment-là ? Les visiteurs de l'époque ont ce sentiment, qui caractérise toute ville excitante, que l'ancien et le neuf s'y fertilisent mutuellement sous leurs yeux. D'un côté, azulejos et vieux bars à ginjinha (liqueur de griottes) où les anciens trempent leur moustache dès 9 heures du mat, et de l'autre, une jeunesse qui carbure à la Sagres dans des hangars démesurés au bord du Tage, friches industrielles devenues temples postmodernes, certains ressemblant à Gotham City autant que les christs en cire des églises res