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Naypyidaw, ville à vides

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Ça a eu lieu. Agglomération désincarnée, la nouvelle capitale birmane, cultive la démesure.
publié le 15 août 2013 à 19h06

Un instant, un seul, on s'est attendu à croiser Jean-Paul Belmondo à Naypyidaw. Celui qui, en 1964, dans l'Homme de Rio, bondissait, courait, pédalait, escaladait les avenues, les dunes, les tours de la naissante Brasília devant la caméra de Philippe de Broca. Un instant, un seul, on a retrouvé le silence, le vent, les volutes de poussière et un même soleil vertical sur un monumental chantier quasi désert. Mais Naypyidaw n'est pas Brasília. Les généraux birmans n'ont pas été à la même école d'architecture qu'Oscar Niemeyer. En tout cas, ils n'ont pas été très sensibles à la fluidité, à l'épure, à l'esthétisme altier de la capitale fédérale du Brésil.

Erigée dans la pampa birmane à partir de la fin des années 90, Naypyidaw est l'irréelle capitalissime de la démesure. Celle qui doit éclipser la frondeuse Rangoun, établie à 320 kilomètres au sud. Celle qui doit incarner la «démocratie disciplinée, florissante et épanouie» vantée par la junte dans les années 2000. Alors le général paranoïaque Than Shwe, bâtisseur en chef de la «résidence des rois», a vu les choses en extra-large. L'agglomération s'étale sur plus de 7 000 km2. Les avenues vides sont tirées au cordeau et débouchent parfois sur une colline ou une route de campagne.

Certaines, comme la Friend of King Avenue, comptent 18 voies désertes où se perdent un vélo, un camion pétaradant et des berlines crasseuses. La cité royale a été cloisonnée en zones, en quartiers juxtaposés et reliés par des r