En juillet, Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor ont quitté le Sensory Ethnography Lab de Harvard, mis en sommeil leur studio de New York, où ils ont fondé leur maison de production, et sont passés à Paris juste avant de s'envoler pour le Japon où ils devaient étudier un projet de film sur Fukushima. A l'occasion de cette escale, les artistes et anthropologues ont évoqué le tournage éprouvant de Leviathan, réalisé en 2011 à bord d'un chalutier, à 200 milles de son port d'attache, New Bedford, dans le Massachusetts, le mythique point de départ du capitaine Achab.
Le film, découvert l'an dernier à Locarno, a fait depuis la grande tournée des festivals, suscitant à chaque fois la même sidération d'un cinéma jamais vu, échappant à toute nomenclature et à tous les genres. Tourné majoritairement au moyen de caméras très légères, les fameuses GoPro, dont une partie était fixée sur le torse, les poignets ou la tête des marins, Leviathan semble à la fois le fruit d'un dispositif complexe et l'expression d'un processus sauvage. Comme si les éléments déchaînés, la brutalité de cette pêche intensive, les flots de sang qui maculent le pont du navire ou les sons terrifiants des câbles tendus à se rompre étaient des éléments qui avaient, au moins autant que les auteurs, «fait» le film.
Au cours de cet entretien (ils n’aiment pas les interviews questions-réponses), les cinéastes ont évoqué leurs méthodes de travail, leurs choix radicaux en matière de réalisation, leurs p