Un grand ami colombien de Gabriel García Márquez et un grand compagnon de lecture est mort dimanche, à 90 ans. Il s'appelait Alvaro Mutis. C'est lui qui avait aidé, à Mexico, l'auteur et la publication de Cent Ans de solitude. L'histoire des deux écrivains nous parle d'un temps où la littérature était un mode de vie qui pouvait ressembler à une légende d'amis au combat. De son vivant déjà, la vie et l'œuvre de Mutis semblaient nées pour justifier toutes les délicatesses et les flottements de l'imparfait.
Fils de diplomate, il grandit en Belgique, revenant sans cesse au cafetal (propriété terrienne vouée à la production du café) familial. L'atmosphère de ses poèmes et romans en émane comme une brume chaude ou un coucher de soleil. Il vivait dans la capitale mexicaine depuis 1956. Il a des postes importants dans des compagnies pétrolières, s'en sert pour soutenir des amis alors sans succès. La mort occupe ses phrases depuis sa jeunesse. En 1953, dans les Eléments du désastre, il écrit : «Chaque poème un oiseau qui fuit/ du lieu marqué par le fléau./ Chaque poème un habit de la mort/ par les rues et les places inondées/ dans la cire létale des vaincus./ Chaque poème un pas vers la mort/ une fausse monnaie de secours/ un tir à blanc dans la nuit.»
Borgésiens. Mutis est un bon poète et le créateur d'un célèbre personnage dont la mélancolie romanesque tapisse la littérature latino-américaine : Maqroll