Manuel Valls est l'un des rares membres du gouvernement qui s'intéresse à la culture. Il est, ça ne trompe pas, un habitué du festival d'Avignon. Désormais son activité de ministre de l'Intérieur lui laisse, c'est malheureux, peu de temps pour le théâtre. Mais lors de la première française de la nouvelle création de Christoph Marthaler, j'ai beaucoup pensé à lui, imaginant même qu'il fut dans la salle, disons entre Pierre Bergé et Christophe Girard, présents l'un et l'autre mercredi soir au théâtre de la Ville. Letzte Tage a été créé dans l'hémicycle de l'ancien parlement austro-hongrois le 5 mai dernier, journée de «mémoire aux victimes du racisme» et date anniversaire de la libération du camp de Mauthausen-Gusen.
Entre des pièces de musique composées par des juifs morts en déportation, Marthaler y fait entendre de vrais discours, notamment ceux, antisémites et antitsiganes, tenus dans ce lieu même avant la Première Guerre mondiale par le maire d'une Vienne qui était aussi celle de Karl Kraus, témoin lucide des glissements vers la catastrophe. Mais aussi des propos tenus il y a peu et pas si loin par Viktor Orban à propos des Roms. Marthaler nous projette en 2050 dans une Union européenne qui s'est définitivement débarrassée des étrangers et demeure obnubilée par la «question Rom». S'il en avait eu connaissance à temps, Marthaler aurait pu avoir envie d'y faire résonner