La dernière fois qu'on a vu Patrice Chéreau, il mangeait une banane. C'était en juin, après une journée de répétition d'Elektra, l'opéra de Richard Strauss, monté à Aix-en-Provence pour le Festival. On était venu le voir travailler. Assis à un bord de bureau, dans un studio du Grand Théâtre de Provence. Une assistante apporte une banane, elle est noire. Chéreau dit : «Il ne faut jamais les mettre au réfrigérateur, elles noircissent.» L'assistante est mal. Il ne l'engueule pas, il joue le rôle de l'acariâtre, il s'en amuse visiblement.
Il regarde sa montre, souffle comme après un épaulé-jeté : «Vous êtes sûr qu'une demi-heure ça va vous suffire ? Oui, c'est assez ?» C'était le même genre de prévenance inquiète quand on avait fait son portrait, en 2009. Devant notre désarroi à résumer une vie si remplie, il avait prodigué un conseil utile à répéter dans toutes les écoles de journalisme : «Eh bien, vous ne faites qu'un bout.» Puis, le jour de parution de l'article, un SMS laconique et doux : «J'ai bien aimé votre portrait. Patrice Chéreau.»
Gestique. En juin, donc, dirigeant son Elektra à Aix. En allemand (le même accent que Boulez), puis en anglais, répondant ensuite en français à son assistant américain. Chéreau observe les chanteurs et les figurants. On dirait qu'il est derrière l'œilleton d'une caméra, qu'il fabrique le cadre. Sa gestique combine trois registres. Il est :
1) chef d'orch