Professeur d'histoire à l'université Paris-I et directeur de l'Institut d'histoire moderne et contemporaine, Christophe Charle a publié de nombreux ouvrages sur le XIXe siècle. Il a participé à l'édition du cours de Bourdieu sur Manet, et consacre dans le volume un texte à cet «opus infinitum».
En quoi cette période historique est-elle si décisive du point de vue artistique ?
La séquence historique qui va des années 1848 aux années 1880 est importante non seulement sur le plan artistique mais aussi sur les plans politiques, sociaux, intellectuels et internationaux. La France liquide progressivement tout un héritage culturel, politique et social, et surtout remet en cause le mode d’organisation de presque tous les domaines. Bourdieu insiste beaucoup, après de nombreux spécialistes, sur la crise du système académique mais celle-ci est un indice particulier d’une crise bien plus générale : le mouvement romantique a remis en cause l’héritage classique qui avait partie liée avec la monarchie mais que Napoléon et, dans une certaine mesure, la Restauration avaient essayé de faire revivre. La remise en cause du classicisme ouvre la voie à la revendication de la liberté de l’artiste, liberté de formation, liberté de choisir dans les héritages, dans les manières de peindre, dans les thématiques, dans la hiérarchie des sujets.
Les artistes jouent donc un rôle majeur…
Oui, mais si certains artistes comme Courbet, l’école de Fontainebleau, Manet et leurs successeurs parviennent à mener ce combat libérateur c’est parce qu’il est porté par d’autres transformations générales : la montée en puis