Un jeune type a loué un gîte pour le week-end. A peine a-t-il pénétré dans les lieux que le propriétaire lui demande de grimper sur une échelle, pour l'aider à revisser une mâchoire de mérou empaillé. L'homme monte à sa suite, puis lui colle au cul. Surpris et légèrement inquiet, le jeune homme dit : «Ah, c'est comme ça ?»
Cigognes. Oui, c'est comme ça. Chaque parole ici engage un geste qui se détraque, produit une situation qui se déplace. Le cadre du boulevard se fait sans cesse déborder, il y a au bout du compte plus d'orties que de mémé. Le jeune est interprété par Benoît Moret, qui est aussi l'auteur d'A flanc de colline, sa première pièce. Le rôle est un peu celui de l'ethnographe qui entend un nombre hallucinant de coquecigrues pendant une heure trente et doit les digérer. Moret joue comme s'il était le fils halluciné de Luchini. Mais il est issu de l'atelier Pierre Palmade (1).
A priori, on est dans un genre, le vaudeville, espace inamovible. Le salon petit-bourgeois avec son canapé au premier plan et un fauteuil. Une porte d’entrée et trois sorties : un escalier, une cuisine, une pièce indéterminée. Mais ce décor est virussé, hérissé de fruits de mer empaillés, tableaux de poissons moches : il y a même un homard sous verre qui s’allume dans l’obscurité, présence grotesque et menaçante. Le comique de Moret repose en partie sur cette étrangeté. Des choses se passent de l’autre côté du décor, qui font rire et qu’on