Au moment où s'ouvre son exposition au Grand Palais (cf. Libération d'hier), Raymond Depardon est l'invité ce soir de Libération au Théâtre de la Ville à Paris. L'occasion pour ce numéro sans photo de faire le point sur sa pratique.
La photo vous apparaît-elle aujourd’hui scindée en deux univers de plus en plus étanches : d’un côté le photojournalisme, de l’autre la photo plasticienne ?
En trente ans, cette séparation s’est progressivement instituée. Quand, en 1966, on a fondé l’agence Gamma, il n’y avait pas véritablement de frontière. Il n’y avait pas d’un côté, des photoreporters, et de l’autre, des auteurs. C’est la mise en place d’une caisse spécifique Agessa qui a véritablement commencé à séparer les carrières. C’est très français. D’un côté, le régime général, les photographes de presse d’agences comme l’AFP ou Reuters, qui sont salariés et ne sont pas propriétaires de leurs photos. De l’autre, des photographes qui sont souvent venus à reculons vers le statut d’auteur… j’en ai vu tellement dans les couloirs de Gamma ou de Magnum qui regardaient leurs chaussures et ne s’assumaient pas comme artistes à part entière. En France, on a fait l’erreur après-guerre de rattacher les photographes à la carte de presse. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis où les photographes de presse se contentent de coupe-files délivrés par la police, par exemple, mais ne sont pas considérés comme des journalistes.
Comment va la photo aujourd’hui ?
Plutôt bien, je trouve. Tout simplement parce qu'elle est encore libre. On le voit avec l'utilisation que vous en faites, il suffit de tourner les pages de Libération. On s'aperçoit souvent