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Libération
Biens spoliés

Cornelius Gurlitt et son trésor de guerre

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A 81 ans, il vivait entouré de ses Chagall, Degas, Picasso… en tout 1 406 œuvres acquises par son père, le marchand d’art Hildebrand Gurlitt, proche des nazis. La plus grande collection de biens spoliés déclenche une affaire d’Etat en Allemagne et un débat d’historiens en Europe.
Parmi les 1406 pièces saisies chez Cornelius Gurlitt, des œuvres de Chagall, Delacroix, Otto Dix, Honoré Daumier, Max Liebermann, Auguste Rodin, Antonio Canaletto, Ludwig Godenschweg, Hans Christoph... (Photo AFP)
publié le 20 décembre 2013 à 17h06

Il serait apparu dans la pénombre en pyjama, quand les enquêteurs ont dû forcer sa porte pour découvrir la plus importante collection d’art ayant survécu de l’Allemagne nazie. Jamais personne ne l’avait vu dans cette tenue, à part sa mère et sa sœur. Et son père, dont le nom a resurgi de la noirceur du passé : Hildebrand Gurlitt.

Rolf Nikolaus Cornelius Gurlitt, 81 ans, a perdu les Picasso, Matisse et Kandinsky au milieu desquels il vivait, dans un immeuble de cinq étages à Munich. Il s'est retrouvé soudain plongé dans un monde extérieur qu'il avait toujours préféré éviter. Il ne répond plus. La responsable de la task force chargée de son cas, qui lui a parlé une fois, ne parvient plus à le joindre. Le 12 décembre, les pompiers ont dû forcer sa serrure, pour le trouver en bonne santé. En attendant, personne ne sait que faire de son trésor.

Ce feuilleton a débuté le 3 novembre, quand le magazine Focus a révélé la saisie de près de 1 500 œuvres, que le vieil homme tenait de son père, qui avait travaillé pour Hitler et ses séides. Le monde stupéfait a appris que la découverte était tenue secrète depuis deux ans. Les enquêteurs du fisc avaient mis la main sur ce trésor au milieu de boîtes de conserves ouvertes et de sacs de supermarché. Dans cet appartement de 100 m2 aux volets fermés, des tableaux par dizaines étaient posés sur des étagères derrière un rideau. Munis d'un mandat délivré par le parquet bavarois d'Augsbourg, ils sont revenus, en février