La souffrance n’est pas à l’œuvre dans «l’Asile des photographies», même si elle en est la matière première. Entre 2010 et 2013, l’historien Philippe Artières et le photographe Mathieu Pernot ont étudié des archives que leur avaient confiées la Fondation Bon-Sauveur et le Point du jour, centre d’art. Elles étaient simplement rangées dans un carton, dans l’attente d’une renaissance. Cette série d’images, des années 30 à nos jours, la plupart non légendées, retrace le quotidien de l’hôpital psychiatrique de Picauville, à 40 kilomètres de Cherbourg. Leurs auteurs sont anonymes, les patients aussi. On n’y voit rien de la folie telle qu’on l’imagine, encore moins ses châtiments, mais plutôt une apparence de normalité, où chacun reste à sa place, du côté de l’ordre (familles, médecins, bonnes sœurs) comme du désordre (patients), bien qu’il soit possible de nuancer cette double proposition.
A regarder le diaporama Contes de la folie ordinaire
Ce qui donne tout son sens à cette exposition, enrichie d’un livre couronné du prix Nadar Gens d’images, c’est le parti pris choisi par Artières et Pernot. Ils n’ont pas joué le sentimentalisme, au contraire, ils se sont mis en retrait. Comme si Picauville et ses fous, loin d’être un spectacle tragi-comique, élucidait le mystère profond de la photographie. Sa capacité à saisir l’invisible, parfois par mégarde. Puisant dans ce «trésor