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Libération
Critique

La folie, par mégarde

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Trois ans durant, un historien et un photographe ont exploré les archives de l’asile de Picauville. Leur inventaire est exposé à Cherbourg.
«Le Dortoir des agités» à Picauville en 2010. Installation réalisée et photographiée par Mathieu Pernot sur le site de l'hôpital.
publié le 27 décembre 2013 à 17h36

La souffrance n’est pas à l’œuvre dans «l’Asile des photographies», même si elle en est la matière première. Entre 2010 et 2013, l’historien Philippe Artières et le photographe Mathieu Pernot ont étudié des archives que leur avaient confiées la Fondation Bon-Sauveur et le Point du jour, centre d’art. Elles étaient simplement rangées dans un carton, dans l’attente d’une renaissance. Cette série d’images, des années 30 à nos jours, la plupart non légendées, retrace le quotidien de l’hôpital psychiatrique de Picauville, à 40 kilomètres de Cherbourg. Leurs auteurs sont anonymes, les patients aussi. On n’y voit rien de la folie telle qu’on l’imagine, encore moins ses châtiments, mais plutôt une apparence de normalité, où chacun reste à sa place, du côté de l’ordre (familles, médecins, bonnes sœurs) comme du désordre (patients), bien qu’il soit possible de nuancer cette double proposition.

Ce qui donne tout son sens à cette exposition, enrichie d’un livre couronné du prix Nadar Gens d’images, c’est le parti pris choisi par Artières et Pernot. Ils n’ont pas joué le sentimentalisme, au contraire, ils se sont mis en retrait. Comme si Picauville et ses fous, loin d’être un spectacle tragi-comique, élucidait le mystère profond de la photographie. Sa capacité à saisir l’invisible, parfois par mégarde. Puisant dans ce «trésor