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grand angle

Des mouchoirs pour la peine

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Dessinés sur des morceaux de tissus par des Chicanos détenus dans le sud des Etats-Unis, les «paños» sont des messages offerts aux familles et amis. Une cinquantaine de ces pièces, témoignages d’un art populaire né dans les années 40, sont exposées à Paris.
(Photo Courtesy Galerie Christian Berst. )
publié le 23 mars 2014 à 18h06

Les toiles, d'une trentaine de centimètres de côté, ont la taille de ces mouchoirs d'antan qui se fourraient roulés dans la poche, bien avant l'ère des jetables. En vérité, ce sont des mouchoirs. Fournis par l'administration pénitentiaire pour un usage aussi prosaïque qu'universel, ces chiffons (paños en espagnol) ont appartenu à des détenus qui ont pour caractéristique commune d'être d'origine mexicaine, incarcérés dans des prisons du sud-ouest des Etats-Unis et maîtres en tatouages ou en chromos.

A force d’encre et de temps, ils en ont fait tout autre chose : des récits illustrés comme des enluminures, des missives en images, signes de vie ou d’affection destinés à parvenir aux familles, amis, amantes, éventuellement sous pli. Dessinés au stylo-bille noir, parfois coloriés, la cinquantaine de paños exposés à la galerie Christian Berst, à Paris, datent des vingt-cinq dernières années. Ils sont les rares expressions d’un art populaire nourri d’une culture latino grandie dans la rue, mûrie derrière les barreaux.

Al Capone, Zapata, Pancho Villa

Sur ces carrés d'étoffe saturés de figures enlacées en volutes, flamboient les poncifs des mythologies nord-américaines et mexicaines, les codes des gangs hispaniques de Los Angeles, les slogans du mouvement chicano qui anima, dès les années 60, la lutte pour les droits civiques des Latinos émigrés aux Etats-Unis. Dans l'imagerie kitchissime de ces artistes de l'ombre, il y a le sexe, la mort et le pouvoir. Les femmes, girondes ; les bagnoles, grosses américain