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John Crary: le grand sommeil

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L’universitaire oppose au rythme continu des marchés financiers, qui fonctionnent 24 heures sur 24, le droit aux songes… 
publié le 24 avril 2014 à 17h49

En préambule, un conseil de lecture: lisez 24/7 avant de vous endormir. Pourquoi ? Parce que le livre de Jonathan Crary va vous réconforter dans l’abandon au sommeil, dans cet état où la conscience s’abandonne. Le professeur de théorie de l’art moderne à l’université de Columbia à New York signe, chez Zones, une étude, non pas des bras de Morphée, mais de leur inverse: le régime 24/7, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, ce rythme qui est celui des marchés financiers, de l’industrialisation absolue.

Il écrit: «Depuis la dernière décennie du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui, avec l'effondrement des formes de capitalisme contrôlées ou régulées aux États-Unis et en Europe, il n'y a plus aucune nécessité interne à ce que le repos et la récupération demeurent des facteurs de croissance et de profitabilité économique.» A quoi bon perdre un temps qui pourrait être utilisé à consommer et produire? «Dégager du temps de repos et de régénération humaine coûte à présent tout simplement trop cher pour être encore structurellement possible au sein du capitalisme contemporain.» Crary décrit, avec force arguments historiques et analyses d'images (de la peinture anglaise du XVIIIe siècle à Chantal Akerman et Chris Marker), la fabrication du flux ininterrompu, qui «sonne toujours comme une réprimande et comme une réprobation à l'encontre de la faiblesse et des carences du temps humain».

Quant au sommeil, il en serait donc la résistance, même si la