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Libération
Les chemins de la liberté (21)

L'hébreu, langue de terre

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Nul ne parlait plus cette langue depuis quinze siècles, Elizer Ben Yehuda s’est consacré à sa résurrection comme idiome officiel des juifs établis en Palestine. Inventant un lexique adapté au monde moderne.
Eliezer Perlman devenu Eliezer Ben Yehuda. (Photo Domaine public)
publié le 4 août 2014 à 18h06

Comment Eliezer Perlman, sujet juif du tsar Alexandre II, a-t-il pu croire une seconde au songe qu'il avait fait dans la pénombre de sa chambre d'étudiant, les yeux ouverts, l'esprit embrasé par la révolte des Bulgares contre le joug ottoman ? C'était en 1877, il avait 19 ans, il était élève du lycée russe de Dünaburg, aux franges nord-ouest de l'empire. «Après plusieurs heures de lecture des journaux et de méditation concernant les Bulgares et leur prochaine libération, soudain, comme en un éclair, ma pensée s'envola des ponts de la Chipka balkanique à ceux du Jourdain, et j'entendis une étrange voix intérieure m'appeler : "Renaissance d'Israël et de sa langue sur la terre des Pères" ! Tel fut mon rêve», écrira-t-il en 1917.

Eliezer Perlman, devenu Ben Yehuda, tente de démêler l’écheveau des chemins qui l’ont mené à consacrer sa vie à un projet insensé : faire de l’hébreu, que nul ne parle plus de façon usuelle depuis 1 500 ans, la langue des juifs établis en Palestine, et l’instrument de l’émancipation d’un peuple dispersé.

Etude pécheresse

Eliezer est un jeune de son temps. Né en 1858 en Lituanie, dans la «zone de résidence» où sont assignés les juifs de l'empire, ce fils d'un commerçant, versé dans la Torah, grandit dans l'onde de choc du «printemps des peuples». En cette année 1877, il a lu en secret un livre, interdit, du révolutionnaire Piotr Lavrov qui entonne : «Faim, faim, faim partout ! Faim dans toute la Russie ! Les paysans meurent victimes de la faim et de la tyranni