Menu
Libération
TRIBUNE

L’antique Badiou répond au fringant Joffrin

Article réservé aux abonnés
. (Illustration Stefano Rossetto)
publié le 26 octobre 2014 à 18h26

Dans le cadre d'une controverse avec Marcel Gauchet sur le thème «communisme et démocratie», j'ai utilisé, au service d'une argumentation complexe, certaines caractéristiques de la Révolution culturelle chinoise. Il n'en fallait pas plus pour que Laurent Joffrin abandonne un instant le labeur qui sans nul doute l'occupe à plein temps - le licenciement soft de près de cent employés du journal Libération - pour rendre son verdict : Badiou n'est qu'un dinosaure congelé.

La méthode de Joffrin pour démontrer ma congélation est simple et expéditive : la seule expression «Révolution culturelle» suscite en lui la jaculation numérique «sept cent mille morts», accompagnée d’un horrifique détail - vrai - portant sur la façon dont un intellectuel reconnu a été malmené par des gardes rouges.

Peut-être Joffrin n’a-t-il pas assez médité la sentence que je formule dans le texte qu’il incrimine, à savoir que le dénombrement des morts est le degré zéro de l’analyse politique. Imaginons que dans le cours d’une discussion politique sur la démocratie, quelqu’un argumente à partir d’épisodes importants de la Révolution française. Joffrin va-t-il alors couper court en disant : «La Révolution française ? 200 000 morts et la décapitation barbare du grand poète André Chénier !» ? Non, il ne le fera pas, parce qu’il sait quelques petites choses sur la Révolution française et son rôle fondamental dans le devenir des démocraties modernes. Tout le point est donc qu’il ne sait rien, et ne veut rien