«Moi, c'est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir. Désormais je serai libéré de l'immobilité humaine. Je suis en perpétuel mouvement. Je m'approche des choses, je m'en éloigne. Je me glisse sous elles, j'entre en elles.» Non, ce n'est pas un drone muni d'une caméra qui parle, c'est le cinéaste soviétique Dziga Vertov en 1923 dans son manifeste du Ciné-Œil, où il essaie de libérer le cinéma de sa théâtralité pour en faire un point de vue nouveau : un point de vue physique, certes, mais aussi politique, car selon d'où l'on perçoit le monde, on ne conçoit pas les rapports humains de la même manière : «Libérée des frontières du temps et de l'espace, j'organise comme je le souhaite chaque point de l'univers.»
Avec le drone partout, les usages esthétiques domestiques se multiplient : pour filmer les mariages et les pique-niques, mieux voir le land art, etc. Mais ce sont les artistes contemporains qui, en exploitant de plus en plus dans leurs vidéos ses possibilités furtives, nous montrent le mieux quels changements de regard sur le monde et les hommes induit l’engin. Quelque chose de physique, d’abord, de sensuel : le drone est d’une stabilité remarquable pour les prises de vues aériennes, mais il a aussi quelque chose de tactile, d’ultrasensible : qu’il subisse un vent contraire, par exemple, et le spectateur ressent le tremblement de toute la machine. Sa maniabilité extrême en fait un geste, une main encore