Dans l’imaginaire français, le «collabo» est l’incarnation la plus parfaite du salaud. Il reste souvent un être assez théorique, homme au regard fuyant en imperméable mastic ou long manteau de cuir, profiteur ou idéologue, négatif du héros dans quantité de productions cinématographiques qui ont contribué à encapsuler cet individu dans une imagerie d’Epinal.
En organisant la première grande exposition sur la Collaboration, les Archives nationales donnent une chair à cette période confuse de l’histoire française. Y sont présentés bon nombre de documents inédits, avec un souci de synthèse qui permet d’appréhender la «cohérence», si l’on peut dire, de la Collaboration. Si bien que cette expo fait événement (jamais vernissage de presse aux Archives, fin novembre, n’avait vu défiler autant de monde). Il est vrai que ces quatre années brûlantes suscitent une passion croissante et que l’Occupation reste le théâtre d’ombres de nos débats contemporains. D’où l’importance d’aller au-delà de la «représentation».
Commençons par une image : une photographie jamais vue de Pétain, Laval et Bousquet sortant ensemble du Conseil des ministres du 3 juillet 1942 dans la cour de l'hôtel de Sévigné. Pierre Laval vient d'annoncer au gouvernement l'organisation prochaine de la rafle du Vél d'Hiv et la participation de l'Etat français à cette opération, laquelle aura lieu deux semaines plus tard. Image saisissante que les commissaires scientifiques de l'exposition, Denis Peschanski et Thomas Fontaine,