Il est peu ordinaire d'entendre un photographe dire de son travail : «C'est très pauvre comme performance photographique.» Mais Jean Robert Dantou qui, à 34 ans, vient d'intégrer l'agence VU est un photographe peu ordinaire, tout comme le monde dans lequel il a installé durant deux ans son studio, à savoir celui des institutions psychiatriques ; tout comme l'enquête - scientifique et intime - qu'il y a menée et la série d'images qu'il en a ramenée : fond grisé, couleurs franches et, au centre de chaque cadre, une chose. Une pipe. Un piège à cafards. Une bague. Un sac poubelle. Deux billets de banque. Une mèche de cheveux. Au total, quelques dizaines de clichés aussi chaleureux que des fichiers de police.
«Ma pipe, c’est ma liberté»
Zéro affect, et c'est bien vu. La commotion n'en est que plus forte à la lecture des textes que le photographe a liés à ses images (lire ci-contre). On comprend alors que ces écrits, rédigés à la première personne à la façon du journal de bord d'un explorateur, sont bien plus que l'accompagnement des visuels : ils sont leur prolongement (1). «Ces objets sont des portes d'entrée sur la vie des sujets,explique Jean-Robert Dantou. Des seuils.» Ils ouvrent des lucarnes sur l'histoire de ces gens longuement rencontrés, tous confrontés à divers titres au vertige de la folie : les malades - schizophrènes, paranoïaques, bipolaires, dépressifs, obsessionnels ; leurs parents ou amis ; les professionnels qui