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Libération
Cirque

«Clockwork», pistes de haute voltige

A Paris, les trois jeunes acrobates de Sisters renouvellent les figures imposées de la discipline.
publié le 22 janvier 2015 à 19h46

La notion d'Union européenne n'étant pas qu'une vue de l'esprit, va pour la singulière et enthousiasmante destinée de la Cie Sisters, telle qu'encore vérifiable pour trois jours à Paris. Soit - les apparences patronymiques étant parfois trompeuses - la rencontre de trois garçons concurremment arrimés à l'amour du mât chinois qui, un jour, les amène à faire cause commune en Suède, du côté de Stockholm.

Vivats. Le premier, Mikkel Hobbitz Filtenborg, fatalement blond et élancé, est danois ; plus râblé (et tatoué), le deuxième, Pablo Rada Moniz, débarque des îles Canaries ; quant au troisième, Valia Beauvieux, il a des origines bretonnes (Rennes), mais ne sait plus trop où il habite ces temps-ci, à force de sillonner les pays (France, Danemark, Norvège, Italie, Montenegro…) avec sa clique - et ses claques.

Ainsi agrégée, la triplette virevolte en effet avec sa première création commune, Clockwork - supervisée par le metteur en scène et chorégraphe grec Dimitris Papaioannou. Un mécanisme éminemment subtil qui, mis en marche voici plus d'un an (en novembre 2013 au Manège de Reims), continue de déclencher les vivats (adultes et enfants confondus) actuellement, au Théâtre de la Cité internationale. Concise et variée, autant qu'ébouriffante et drôle, la proposition circassienne traduit le désir d'émancipation d'un commando (aux trois larrons s'ajoutant un certain Bjørn Olav Hauknes, préposé à la lumière et au son - et intégré au point de percevoir le même cachet que les acrobates) qui aurait fait de l'inventivité un véritable leitmotiv. A preuve, la succession de numéros, aussi plaisants à regarder que pas toujours évidents à décrire, qui voient : un des artistes jongler avec la tête des deux autres (!) ; les trois enchaîner les figures à la roue allemande (un appareil en principe conçu pour une seule personne, mais ici spécialement reconfiguré pour l'occasion) ; le grand Scandinave, le froc baissé, masquer sa pudeur derrière une planche de bois providentielle, accroché en l'air par les cheveux ; ou le trio arachnéen, tour à tour ensemble ou séparé, aligner au sol plusieurs séries de mouvements formant un bestiaire fantasmagorique. Entre autres.

Naturellement, une telle somme de figures ludiques présuppose une montagne de boulot en amont. Ainsi que le confirme Valia Beauvieux, issu, comme ses acolytes, de la 3e promotion de l'université du cirque et de la danse de Stockholm (DOCH), une institution configurée en «laboratoire» axé sur l'expérimentation, à la confluence de l'art, de la pédagogie et de la science : «Avant de devenir une histoire d'amitié, précise le Français de la bande, il y a eu cette passion commune pour le mât chinois qui nous a rapprochés lors de la 2e année d'une formation qui en compte trois. Nous avons d'abord créé ensemble un numéro duquel émanait une bonne énergie. Les premières réactions ont été positives. Nous nous sommes vite bien entendus et Sisters a ainsi vu le jour, au terme d'une soirée un peu arrosée, faisant de nous à la fois des collègues de travail et une famille artistique soudée autour d'un même projet où le souci constant de peaufinage n'interdit pas la déconnade, et vice versa.»

«Confort». Lauréat du programme «Jeunes talents cirque Europe 2013», la Cie Sisters imagine trimbaler - et faire évoluer - Clockwork jusqu'en juin 2016. Mais guère au-delà, «pour ne pas laisser au confort le temps de s'installer».