On pousse la porte de La Chambre, d’abord intrigué par les photos des catcheurs de Kinshasa qu’on aperçoit de la rue. Ils posent, debout, majestueux, le regard planté dans l’objectif de Colin Delfosse. Le photojournaliste belge, créateur du collectif Out of focus, donne à voir la deuxième vie de ces Congolais, le soir, quand ils se disputent la gloire sur des rings de fortune. Ils se maquillent le corps, se parent de leur costume de combat, agrémentés de totems. Les catcheurs ont le goût de la mise en scène et de l’exhibition, comme les sapeurs congolais, membres de la Sape (Société des ambianceurs et personnes élégantes), sorte de dandysme à l’africaine.
Plus loin, un paysage grandiose, l’air faussement vierge, occupe tout un mur. C’est de cette plaine qu’a été lancée l’improbable fusée zaïroise en 1977, programme spatial mené en pleine guerre froide par Mobutu et une entreprise ouest-allemande.
C’est à la seconde partie de l’accrochage que l’expo doit son nom, «Dancing Ashes» (cendres dansantes). Colin Delfosse défend la photographie documentaire, concilie reportage et esthétisme, information et recherche picturale. Là, c’est la vie dans le chaos qui est racontée, dans le Nord et Sud-Kivu, ces terres à l’est de la République démocratique du Congo, meurtries par des combats incessants depuis deux décennies. Des terres dominées par le volcan Nyiragongo, son lac de lave en fusion et ses panaches de cendres.
Un camp militaire est installé à deux pas de ses flancs, il protège la ville de Goma de l’avancée du M23, mouvement rebelle dont Colin Delfosse photographie, avec la même proximité, une patrouille dans la jungle, les canons de leurs armes fendant la végétation. Une gamine en robe déchirée et boueuse, se détache du fond, amas de bâches et de branches, un camp de déplacés. Une autre, Foula Amani, enroulée dans une couverture, sandales en plastique trop grandes aux pieds, est assise sur un tronc tortueux. Derrière elle, la dévastation. Après le passage du M23, il ne reste plus rien du camp de réfugiés.
Puis il y a la vie, les scènes du quotidien au milieu de la désolation. Une foule, mains vers le ciel dans une église évangéliste. Derrière le prêtre, au milieu des tentures de satin rose et blanc, est inscrit «2012, année de réveil spirituel et de changement en tous égards». Il y a aussi le travail à la mine de cassitérite, un minerai utilisé pour fabriquer les téléphones portables. Et le musicien de la fanfare, en uniforme vert, baskets au pied, trompette en bouche.