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Arts

Do Disturb explose les règles de l’art

Durant trois jours, le Palais de Tokyo invite plus de 70 artistes pour une première survoltée.
«La liberté raisonnée», 2009, vidéo de Cristina Lucas. (Image Cristina Lucas)
publié le 9 avril 2015 à 19h26

Do Disturb en version française aurait pu donner un «prière de déranger» qui ne lui aurait pas tout à fait rendu grâce. Le festival du Palais de Tokyo, qui débute ce vendredi et se déroule jusqu’à dimanche, n’est ni un appel au boxon ni une invitation au tapage. Après trois jours et deux nuits de performances, la perturbation du spectateur semble en revanche courue d’avance.

Ultrasons. Plus de 70 artistes s'emparent des couloirs, recoins et escaliers du Palais de Tokyo, le tout débordant largement les salles d'exposition. Au sous-sol du bunker, des danseurs s'évertuent à ériger un mur de briques en polystyrène. La structure s'effondre de tous les côtés, déstabilisée par des ultrasons qui cognent la matière. Invité par le Fonds régional d'art contemporain de Lorraine, l'artiste Gaëtan Rusquet a chorégraphié ce Meanwhile perdu d'avance pour exténuer hommes, femmes, architectes, spectateurs. A la lumière, dans le grand hall, le public passe des marches démultipliées, plus petites que la normale et trop courtes pour le quidam, sur lesquelles il est fort désagréable d'aller et venir. La règle architecturale est moquée et c'est agaçant.

Plusieurs éléments du Palais ont été transformés par le trio français Freaks Freearchitects : les toilettes sont entourées de briques, ce qui impose un peu de gymnastique. Les poufs de salle d’attente sont posés sur des parpaings qui les surélèvent d’un bon mètre. Le collectif Vestoj, dont la recherche porte sur les codes de la mode, a glissé un élément perturbateur parmi les gardiens chargés de la sécurité des salles. On ne peut rien dire pour cause de spoil nauséabond. Au total, le festival Do Disturb durera trente-deux heures pour condenser et intensifier les propositions, les expériences.

Lors d’une visite de chantier, Vittoria Matarrese, commissaire du festival, évoquait à plusieurs reprises le mot «punk» dans sa description du lieu et l’esprit des interventions. L’enjeu se situerait donc là : aller collectivement à l’encontre des règles.

Temple. Pour monter ce premier Do Disturb, suite naturelle des «30 heures» de happenings organisées à la réouverture du Palais de Tokyo, en 2012, Vittoria Matarrese a fait appel aux ressources du MoMA PS1 et de la Tate Modern, dont la totalité de la Performance Room sera diffusée ce week-end. La part cathartique de Do Disturb, c'est le Berghain, mythique club de Berlin, qui en a la charge. Le temple de la techno partage avec le Palais de Tokyo une architecture sévère et brutale. Samedi soir, Ostgut Ton, le label du club allemand, inaugurera au Yoyo sa première sortie officielle sous l'étendard Berghain. Le XVIe arrondissement devrait s'en souvenir. Car la nuit sera moite.