Rien ne ressemble à ce joyeux carambolage de mots, de sons, d'images et d'idées qu'est La voix est libre. Depuis douze ans, ce festival calembour, où se mélangent et s'entrechoquent les disciplines, ravit un public toujours plus nombreux, embrassant désormais les rives du Liban, de l'Egypte ou de la Tunisie pour se poursuivre à Paris après un passage à Marseille et à Toulouse.
Derrière cette généreuse manifestation nomade aux allures de caravane, il y a Blaise Merlin, activiste passionné et émule de Bernard Lubat, dont il partage, entre autres, le goût des jeux de mots. Esprit éclectique, Blaise Merlin se refuse à classer ses goûts par ordre de préférence. Entre le jazz, le théâtre, la danse, le cirque, la poésie, le dessin, la philosophie, les sciences, impossible de choisir. D’où sa décision de tout livrer en vrac.
Surprises. Bien lui en a pris, puisque ce désordre apparent s'est révélé être un formidable creuset de rencontres sous le signe du tout-monde et de la créolisation, concepts formulés par Edouard Glissant, autre figure tutélaire du festival. De ce trop-plein est né un bouquet de soirées désormais rodées dans une atmosphère chaleureuse où les configurations les plus inattendues deviennent des révélations. La chanteuse Brigitte Fontaine y est notamment fêtée dans le cadre d'un concert intitulé Ô Brigitte où elle est entourée des musiciens de la formation jazz la Campagnie des musiques à ouïr. Autre chanteur à l'honneur pour cette édition, Allain Leprest, disparu en 2011, dont Philippe Torreton dit un choix de textes accompagné par le batteur jazz Edward Perraud - précisons que les deux hommes ne se connaissaient pas avant de se retrouver sur ce projet avec lequel ils tournent depuis novembre.
L'allure inimitable qui caractérise ce festival opère par bonds et par surprises avec, à la clé, une série de créations hors normes testées sur place par des intervenants prêts à tenter toutes sortes de paris. Ainsi pour Gorges rouges, la chanteuse Elise Caron, le comédien Pierre Meunier, le poète Charles Pennequin, le contrebassiste Fantazio et le percussionniste Benjamin Colin inventent une forme plurielle mêlant textes, musique et voix parlées ou chantées. De même avec Un rêve au-delà : le poète et dramaturge Dieudonné Niangouna fait entendre sa diction incomparable aux côtés du guitariste Julien Desprez et du trompettiste Aymeric Avice.
Autre temps fort de ce festival riche en formes hybrides, la rencontre inédite des formations jumelles, Wormholes et Hoye. La première associe le dessinateur - par ailleurs trompettiste - Mazen Kerbaj et le guitariste Sharif Sehnaoui. La seconde, connue des habituées du festival, est composée de Vincent Fortemps au dessin et de Jean-François Pauvros à la guitare. Réunies ici pour la première fois après un passage à Marseille et à Toulouse, les deux formations inventent des paysages sonores et visuels où musique et dessin se répondent en façonnant un tout indissociable. Mazen Kerbaj et Sharif Sehnaoui ont par ailleurs créé au Liban le festival Irtijal, dont la parenté d’esprit avec La voix est libre est évidente.
Zébulon. Impossible de détailler entièrement une programmation aussi copieuse. Signalons quand même la présence du danseur et chorégraphe Joseph Nadj, ou encore celle du trompettiste zébulon Médéric Collignon au côté du clown Ludor Citrik. Précisons enfin que le festival est actuellement menacé par une baisse de subventions qui si elle devenait effective remettrait en cause sa pérennité.