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Libération
Critique

Valérie Jouve, tranches de ville

Photographie. Au Jeu de paume, la photographe présente, entre documentaire et fiction, son travail autour des silhouettes urbaines.
publié le 5 juin 2015 à 22h26

Corps en résistance fournit un aperçu du travail amorcé par la Française Valérie Jouve depuis les années 80. Cette première monographie au Jeu de paume consacre ces variations photographiques autour de la mise en espace de silhouettes urbaines. Revisitée, cette photographie de rue pensée comme à la frontière de l'art contemporain et de la recherche anthropologique apparaît tiraillée entre deux acceptions, regard documentaire et récit de fiction.

Ses clichés mis en scène à la chambre grand format (comme «les Figures», hiératiques), forment la partie la plus immédiatement accessible de l'exposition. La série «les Personnages» retient un geste, une expression, un cri ou un élan de ses modèles figés dans une insurrection silencieuse contredisant l'effet de réel. En situation, les sujets choisis s'inscrivent dans leur milieu naturel pourvu qu'il reste anonyme, tel ce défilé de cadres en costumes, saisis au vol, trottant à petites foulées à la «Sortie des bureaux». Instantané de l'Homo modernus avec, toujours au cœur du dispositif, la cité, «incarnation même de la présence humaine», selon l'artiste.

Née en 1964, diplômée en ethnologie, cette ancienne de l'Ecole nationale supérieure de la photographie d'Arles «adore photographier les gens de dos» et a pour habitude de s'installer durablement dans les lieux qu'elle investit. «Mon travail ne se revendiquera jamais militant, je ne suis pas quelqu'un qui aime le langage du politique», explique l'artiste qui, après plusieurs séjours, prospecte, entre autre, dans les Territoires palestiniens. Les prochains travaux de la photographe nomade s'articuleront entre le Guatemala (dont la récente série «Blues», exposée au Jeu de paume, est un aperçu), Jéricho, Marseille et la banlieue parisienne : «J'ai grandi dans une banlieue, pourtant je n'ai jamais vu de cités aussi violentes qu'à Paris», raconte-t-elle.

L’accrochage de ces séries et installations vidéo (activité qu’elle poursuit depuis 2003), qui juxtapose paysages urbains et passants, forme un ensemble aussi cohérent qu’inégal. Si résistance corporelle il y a, comme le suggère le titre de l’exposition, ce parcours qui peine par endroits à donner corps, justement, aux modalités du projet, est susceptible de laisser le visiteur sur le carreau.