Menu
Libération
Critique

Strasbourg, terre glaciaire

Le groupe bordelais publie un beau premier album au revivalisme cold inspiré.
publié le 14 juin 2015 à 17h26

Qu'a bien pu semer cette bonne ville de Strasbourg dans l'imaginaire des petits-enfants de la dépouille fumante du rock pour que ceux-ci s'acharnent à accoler son nom à tout et n'importe quoi, surtout quand ça n'a rien à voir avec la choucroute ? Une décennie après le son pop-rock (anglais) du single Strasbourg de The Rakes, deux ans après le tapage excité du Strasbourg des punks (allemands) Ten Volt Shock, voici le premier album du groupe (bordelais) Strasbourg. De prime abord, l'une de ces innombrables formations croisées dernièrement en des lieux sous-éclairés qui, du fait d'un dédain prononcé pour tout ce qui serait relatif à l'invention de la poudre ou à l'actualité de sa palette sonore, aurait déporté l'essentiel de l'expression de sa créativité sur la confection de blazes bien lustrés : Monsieur Crane (chant d'outre-catacombes), Raph Sabbath (machines aux frappes chirurgicales), Tamara Goukassova (crincrin du démon) et LL Cool Jo (guitares tendues et vacations diverses). Attendu avec ferveur, à la faveur de quelques excellents maxis égrenés dans toutes les cryptes et chaumières un peu au fait des zones résiduelles de froid glaciaire dans la scène française, Fruit de la passion n'inscrit fatalement rien de très neuf dans le carnet de santé de l'axe Joy Division-Throbbing Gristle-Métal urbain. N'empêche, on décèle dans le mur de son et de crasse de ces huit chansons assez de matière à obsessions pour que s'y infuse le soupçon de tenir là, germé dans des caves en zone inondable de la Garonne, le beau disque frigide 2015 après lequel courent les Américains autrement plus visibles de Cold Cave ou de The Soft Moon sans plus parvenir à le produire.