Des centaines d'images de corps, masculins ou féminins, complètement nus, tapissent murs et plafond. Voilà ce qu'a présenté l'artiste américain Ryan McGinley dans la section Unlimited, dévolue aux projets considérés comme «exceptionnels» de la foire de Bâle, en Suisse, du 16 au 19 juin. L'installation, déjà exposée l'année dernière dans une galerie new-yorkaise, s'intitule Yearbook, du nom de cet album annuel où toute la promotion d'un lycée américain se retrouve portraiturée.
Alors, qui s'affiche dans la promo McGinley ? Des gens beaux comme de jeunes dieux et déesses qui n'ont aucune honte à se mettre à poil, et surtout qui sont «cool». Cette semaine, dans une interview au site internet du magazine anglais i-D, l'artiste expliquait : «La plupart des gens que je photographie viennent de la communauté créative. [Avec mon directeur de casting], nous trouvons beaucoup de sujets dans les festivals de musique, les écoles d'art et dans Downtown NYC.» Aussi nombreux puissent être les membres de la frange arty du sud de Manhattan, il convient de reconnaître que cela délimite un ensemble relativement restreint.
Tout le travail de Ryan McGinley s’est construit autour de l’idée même de communauté. Né dans le New Jersey en 1977, le jeune homme démarre, dans la foulée d’une Nan Goldin ou d’un Larry Clark, en photographiant ses amis et amants. Ses images, souvent dénudées et bucoliques, connaissent vite un succès, accompagnant l’imagerie de l’intime avant l’émergence des réseaux sociaux visuels.
Golden-boy, il obtient à 26 ans une exposition au Whitney Museum de New York. La machinerie de la récupération a vite vu du potentiel dans le travail de McGinley. Et le jeune homme a été embauché pour des publicités, séries de mode, où sa patte «contre-culturelle» a été très appréciée.
C'est un bestiaire très beau, et très métissé, qui a quelque chose du Benetton 90's. Cet ensemble est régi par une sorte de perfection, tant dans la plastique des mannequins que dans le regard bienveillant du photographe. Ces jeunes gens tout sourire posent devant des murs peints de couleurs vives. Les teintes sont celles de bonbons, mais ces friandises-là sont acidulées, piquent un peu. Car ce Yearbook ne témoigne que d'une envie impossible : figer ces modèles si «cool» dans leur beauté, pour que leur image superbe ne se perde jamais. Et que les années n'altèrent pas les espoirs et promesses de leur magnifique jeunesse.