Franchement, vous attendez quoi des questions posées à Gérard Depardieu sur les tensions russo-ukrainiennes ? Ce n'est pas son passeport russe, son prestige artistique ou sa sagacité œnologique qui le qualifient au poste d'observateur éclairé. Un coup, il va vous répondre qu'il n'y entrave que dalle. Une autre fois, il affichera un soutien sans faille à son «ami» Poutine. On comprend que cela puisse énerver les autorités de Kiev au point de vouloir l'interdire de séjour en Ukraine ou même de placer ses films sur une liste noire, comme l'a annoncé mardi le ministère de la Culture. Dommage de priver tout un peuple d'une des plus belles filmographies du monde - mais aussi de son interprétation de Jules Rimet dans un film à la gloire de la Fifa, probablement le moins rentable de l'histoire du cinéma. Tout ça pour cause de considérations géopolitiques à la portée insignifiante. Et comment va-t-on le punir d'avoir récemment appris à faucher les foins au côté du très peu démocrate président biélorusse Alexandre Loukachenko ?

On ne va pas arrêter de sitôt d’interroger des artistes sur des sujets qui les dépassent parfois. Mais à questionner tel interprète un peu usé sur la peine de mort, telle chanteuse sur la chanson française sous l’Occupation ou telle égérie sur le twerk et le féminisme, il ne faut pas s’étonner de certaines de leurs réponses, ni des réactions en chaîne qu’elles peuvent susciter. Ce qu’il y a de particulier avec Depardieu, c’est qu’on attend son dérapage. On l’espère. On le provoque. On fait tout pour que cela arrive. Ce n’est pas lui, le troll, c’est nous. Gérard Depardieu est juste un ogre qui ne fait plus peur. Comme un enfant, il cherche en nous l’image qu’on attend de lui. Et s’il est grotesque, c’est que nous le sommes tout autant.