Ai Weiwei arriverait-il au bout de ses peines ? Comme pour exorciser le trauma d'avoir été assigné à résidence par le régime chinois et interdit de voyager avec ses œuvres, l'artiste dissident avait présenté l'an passé une installation questionnant les notions mêmes de contrainte et d'affranchissement dans ce symbole absolu de la privation de liberté qu'est la prison d'Alcatraz. Une proposition fondée, comme Ai Weiwei en a l'habitude, sur un paradoxe patent : ce travail d'émancipation fut planifié et se sera donné à voir en l'absence de l'artiste, encore privé d'un passeport qu'il n'aura récupéré que le 22 juillet - photo triomphale sur Instagram à l'appui. Restait à obtenir des visas de ses futures destinations, ce qu'il réussit sans mal de l'Allemagne (où réside son fils depuis plusieurs mois), mais avec plus de peine de la Grande-Bretagne, qui rejeta d'abord sa demande de séjour de six mois, avant de revenir sur cette décision et de s'en excuser.
C’est d’autant plus heureux qu’au seuil de sa liberté regagnée, Ai Weiwei s’apprête à présenter à Londres une rétrospective d’envergure de son travail inédite au Royaume-uni. Dans le même temps, il entend insuffler un nouvel air au musée qui l’accueille, la Royal Academy of Arts de Londres, à partir du 19 septembre.
L'installation, intitulée Tree, est composée de huit arbres de sept mètres de haut, et clame la nécessité d'une renaissance de ces organes vitaux à notre Terre. Parti au marché de Jingdezhen, dans la province du Jiangxi dans le sud-est de la Chine, l'artiste y a glané troncs, branches, écorces pour les réagencer en structures végétales recomposées dans son studio de Pékin. «C'est juste un essai pour imaginer ce à quoi l'arbre pouvait ressembler», dit-il dans un communiqué.
Afin que ce complément à son exposition très attendue puisse être transporté et érigé dans la grande cour du musée à laquelle l'artiste le destine, la Royal Academy a initié une campagne de crowdfunding via le site Kickstarter, avec l'objectif de rassembler 100 000 livres sterling (143 000 euros) - et cela semble, à deux semaines du terme, en très bonne voie. Les deniers versés permettront aux bienfaiteurs d'accéder à des contreparties telles que des contenus en ligne exclusifs ou des visites privées par le conservateur de l'exposition. La star comique britannique Stephen Fry, membre du conseil d'administration de l'institution, se dit «incroyablement excité que la Royal Academy puisse exposer le travail d'Ai Weiwei, l'un des artistes les plus célébrés et exaltés dans le monde». Une fois installées en marge de l'exposition, les sculptures végétales seront accessibles gratuitement à tous, mécènes en herbe ou non.