Des employés de la National Gallery de Londres ont dressé un piquet de grève, pour une durée indéterminée, devant leur lieu de travail le mardi. Les travailleurs, dont la lutte est encadrée par le Public and Commercial Services (PCS), le sixième syndicat britannique, bloquent l’entrée principale du bâtiment en réaction à la privatisation rampante du musée, institution du paysage artistique britannique.
Fin juin, Gabriele Finaldi, qui prendra la tête du musée le 17 août, avait annoncé la signature d’un contrat de cinq ans avec l’agence Securitas, spécialisée dans la sécurité privée et présente dans de nombreux secteurs comme l’aéroportuaire ou la sécurité de particuliers. Si la direction promet qu’aucun poste n’est menacé par cette décision, les 300 employés jusqu’ici payés par le musée vont devenir des employés de Securitas, et pourraient dès lors être externalisés dans un domaine différent de celui de l’art. L’accueil des visiteurs du musée serait alors assuré par des agents de sécurité étrangers au monde de l’art.
The Guardian est allé à la rencontre des grévistes qui, effrayés des représailles des patrons, ont refusé de communiquer leur identité. Ainsi, une employée d'une cinquantaine d'années martèle que, même si «la Gallery ne négociera pas» avec eux, ils restent «déterminés» à s'opposer à cette direction assise par le gouvernement.
«Le public pourrait se retrouver avec un personnel habitué à garder des immeubles vides qui n’y connaît rien sur les peintures exposées»
En marge de la privatisation, les travailleurs craignent la démystification de l'institution. «Le public pourrait se retrouver avec un personnel habitué à garder des immeubles vides qui n'y connaît rien sur les peintures exposées», souligne un autre manifestant. Dans un éditorial du Guardian, la journaliste Polly Toynbee se range du côté des grévistes et pointe que, à l'inverse, «si certains ont gardé Van Gogh pendant des décennies et guidé les visiteurs à travers des salles remplies par des merveilles de la Renaissance, ils pourraient aujourd'hui se retrouver à garder des aéroports».
Ce n’est pas la première fois que les employés de la National Gallery manifestent cette année. Les esprits s’étaient échauffés en février après la mise à pied de d’Unwin Candy, représentante du syndicat PCS au sein de la National Gallery, qui avait pointé des dysfonctionnements au sein de l’institution. Une douzaine de marches, également liées aux revendications sur la privatisation, avaient suivi.
Les tensions entre les syndicats et le gouvernement se sont accrues depuis le 15 juillet et la présentation au Parlement d’une loi qui complique l’organisation de grèves. Ce Trade Union Bill, fortement critiqué par le Labour, pourrait donc faciliter la privatisation d’institutions comme la National Gallery.
En pleine saison touristique, c'est un coup dur pour le musée. L'entrée principale est bloquée, plusieurs salles où sont exposées les plus prestigieuses collections permanentes sont fermées au public. C'est donc dans un espace à moitié condamné que Gabriele Finaldi prendra ses fonctions. S'il s'est dit «pressé de travailler avec les administrateurs et le personnel afin de renforcer les liens entre la galerie et le public», il semble que sa première obligation sera d'ouvrir le dialogue avec ses propres employés.