Un meurtre, un détective improvisé, il y a dans le Bizarre Incident du chien pendant la nuit tous les ingrédients d'une intrigue policière. Mais ce texte adapté au théâtre par le dramaturge Simon Stephen à partir du roman de Mark Haddon n'est pas vraiment un whodunnit. Tout d'abord parce que Christopher Boone (interprété par Pierre Lefebvre), son personnage principal qui mène l'enquête loupe à la main tel un Sherlock Holmes en herbe, est un enfant autiste de 15 ans atteint du syndrome d'Asperger : il maîtrise des théories scientifiques complexes, mais se trouve totalement désarmé face à la réalité quotidienne.
Du roman monté pour la première fois en français, Philippe Adrien remarque dans le livret qui accompagne le spectacle qu'il s'agit d'une «histoire véridique mais débarrassée du pathos qui souvent nous encombre au théâtre». Tout commence avec l'image traumatisante d'un chien mort transpercé par une fourche sur fond de gazon anglais. Christopher découvre l'animal qui appartient à madame Shears, sa voisine. Il décide aussitôt de démasquer le meurtrier. Son enquête quelque peu obsessionnelle le mène sur des pistes inattendues, impliquant son père et sa mère. Le suspense et le fait que Christopher soit un personnage attachant donne à la première partie un rythme haletant. Cependant, sitôt l'intrigue éventée, le soufflet retombe et l'affaire perd de son intérêt. C'est d'autant plus dommage que le problème ne vient pas tant du texte que du traitement trop désinvolte de la mise en scène, qui vire à la comédie larmoyante quand l'étrangeté de Christopher mériterait une approche autrement plus subtile.