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Expo: Naître persane

L’autoportrait de Sissi Farassat, alors âgée de 4 ans, tiré de la série «Passports» (2007). (Photo Sissi Farassat, Vienna. Courtesy Edwynn Houk Gallery, New York. Zürich)
publié le 25 septembre 2015 à 17h56
(mis à jour le 30 septembre 2015 à 11h49)

Tapisserie, pierres précieuses, atlas : l'invitation au voyage de l'Iranienne Sissi Farassat exhibe sous toutes ses coutures son statut d'artiste expatriée. La photographe et plasticienne née à Téhéran en 1969 a déménagé en Autriche avec sa famille en 1978 avant d'étudier l'art à Vienne auprès de Nan Goldin. L'autoportrait ci-contre, tiré d'une série de quatre œuvres intitulée Passport (2007), porte la marque de cette translation. En noir et blanc délavé, ce premier cliché d'identité la montre âgée de 4 ans en écolière nattée. Ce qui ressemble de prime abord à un devoir d'arts plastiques de maternelle tisse en réalité des liens entre généalogie photographique de la mémoire et artisanat. Vingt ans après la prise de vue, Sissi Farassat a ainsi brodé ses papiers d'identité expirés et embellis de sequins à paillettes et de cristaux Swarovski, scintillants colifichets de pacotille à l'image de ceux que sa mère chinait au bazar de Téhéran dans son enfance. L'hommage frivole, merveilleux pied de nez aux couleurs du drapeau iranien, vert, blanc et rouge, est assorti de son nom de famille poinçonné en persan. Cette appropriation d'un travail féminin peu valorisé (coudre, «enfiler des perles») et le détournement de documents administratifs et d'objets du quotidien ambitionnent, selon elle, «à la manière de la peinture, de créer de nouveaux espaces, à souligner ou à recouvrir». Passports met en scène sa double nationalité, une identité traversée de tradition viennoise, comme de folk art perse : la frontière entre bijou et papier y figure autant la géographie que l'intimité.

La série annonce, comme chez Cindy Sherman, un goût pour la mise en scène de la féminité que Sissi Farassat affirmera dans Self Portrait Paris, où elle figure en femme voilée dans des poses équivoques. Ce travail est présenté avec celui d'une quinzaine d'artistes dans le cadre de l'exposition collective Kitsch ou pas kitsch ? à l'Institut des cultures d'islam, dans le quartier de la Goutte-d'Or à Paris (espace atypique comprenant aussi bureaux, patio et salle de prière). Un accrochage qui signale d'emblée que l'usage du terme «kitsch» ne recouvre bien souvent aucune catégorie esthétique mais une terminologie fourre-tout et orientaliste.