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Jeu

«Stasis», leurre du réveil

A bord d’un vaisseau spatial inconnu, un voyageur émerge d’un sommeil profond et doit comprendre ce qu’il fait là.
Dans «Stasis», une ambiance sonore prenante guide le joueur.
publié le 25 septembre 2015 à 19h06

Etrange destin que celui du jeu d'aventure «point-and-click». Popularisé par LucasArts au début des années 90 (Monkey Island, Indiana Jones, Day of the Tentacle), le genre a complètement périclité avec l'arrivée de la 3D de la PlayStation, seuls quelques rares studios (comme les Espagnols de Pendulo) continuant à réutiliser les principes fondateurs (histoire linéaire, énigmes à base d'objets récupérés dans les décors). Ces dernières années, cependant, le point-and-click a connu un revival avec le succès du financement participatif et la montée en puissance d'une scène indé friande de références rétros. Si, souvent, les codes sont dépoussiérés pour coller à l'air du temps, des titres revendiquent une fidélité sans faille aux codes fondateurs. C'est le cas de Stasis, créé par Christopher Bischoff aidé de son frangin Nicolas. Financé sur Kickstarter en 2013, le titre est sorti fin août.

Le joueur incarne John Maracheck, un voyageur qui se réveille d'un sommeil de stase dans un vaisseau spatial inconnu, en orbite autour de Neptune. Il ne sait pas ce qu'il fait là - il était en transit pour Titan, le satellite de Saturne, avec sa femme et sa fille - et personne n'est là pour répondre à ses questions. L'endroit est désert, et les corps sans vie qu'il finit par croiser laissent vite pressentir qu'une tragédie s'est déroulée. Il va falloir explorer, comprendre et retrouver la trace des proches de John. On traverse donc les salles en retrouvant rapidement les réflexes de jeu d'aventure old school : il faut tout récupérer et épuiser chaque lieu, histoire de ne pas se retrouver bloqué. Mais il ne faut pas s'y méprendre, si les mécaniques sont d'un classicisme revendiqué (tout comme la trame), Stasis réussit la performance de nous plonger dans une expérience unique notamment grâce à une ambiance sonore prenante (la musique est signée Mark Morgan, compositeur de la série Fallout) et à une narration qui installe petit à petit une atmosphère pesante, où la peur ne survient plus des jump scares (il y en a quelques-uns) mais devient un sentiment constant et diffus.

Dans Stasis, on lit beaucoup. C'est d'ailleurs une performance de la part des Bischoff d'avoir réussi à nous faire parcourir avec attention toutes les notes disséminées dans les salles qu'on visite. On y découvre la teneur des expériences qui se déroulaient sur ce vaisseau, mais aussi le quotidien de l'équipage qu'on finit par connaître, fût-ce à titre posthume. On avoue, d'habitude, on a tendance à zapper tout ce contenu optionnel (les bouquins de Skyrim ou les cassettes audio de Bioshock Infinite, par exemple), mais dans Stasis, il est si finement imbriqué dans le déroulé de l'histoire qu'il devient vite incontournable pour comprendre la teneur de ce qu'on voit à l'écran. Et, avec les bonnes informations, un simple malaise peut vite se transformer en horreur.