Un feu rouge, au mois de décembre. Un 35 tonnes, une plaque de verglas. Un craquement dans la colonne vertébrale. Théo venait d'avoir son permis. Il souhaitait «une secousse sismique» pour bousculer sa vie mais n'imaginait pas que cela passerait par l'hôpital, la rééducation, ces deux grosses roues. Avant l'accident, il était le petit copain prétendument idéal, mais dont aucune ne tombait amoureuse. Il était parfait, Théo, mais il n'avait pas «le truc», ce quelque chose indescriptible qui aurait permis de s'échapper du royaume insupportable du bon copain. Après l'accident, il en est persuadé : il n'intéresse les filles que parce qu'il flatte leur ego d'infirmière en puissance.
Théo a de l'humour. «Le fauteuil roulant a deux avantages : le premier, c'est qu'on est assuré d'avoir une place assise dans les salles pleines de cinéma ; le second, c'est qu'on ne se fatigue pas trop dans les descentes.» Mais il est aigri, aussi. En colère. «Ce sont les deux seuls avantages», précise-t-il immédiatement. Ras-le-bol de la compassion, du regard des autres, de la mièvrerie, Théo s'éloigne, s'isole, décide de ne penser qu'à lui. Lui le jeune homme, pas lui l'handicapé. Jusqu'à cette rencontre avec Sofia, une étudiante russe qui, enfin, le fait se sentir beau. Ensemble, ils sont bien, mais son mètre 73 à elle le renvoie à sa hauteur d'enfant à lui. Et Théo sature.
Pensée assise est un roman fort et absorbant écrit à la première personne, qui résonne comme un témoignage. Sa première parution, en 2005, était en effet la retranscription, en nouvelle, du court-métrage du même nom du scénariste et réalisateur Mathieu Robin. L'auteur l'a réécrit, romancé, et le publie cette fois dans la collection Roman ado, chez Actes Sud. L'humour semé dans le texte ne vient ni cacher ni amoindrir l'amertume du personnage, avec lequel on se retrouve vite en empathie, dont on partage la colère. Et que l'on a désespérément envie de voir heureux.